La dernière course à la direction du Parti conservateur du Canada nous rappelle à quel point le sujet de l’avortement est toujours au cœur des discours de division politique. En ce 28 septembre, Journée internationale d’action pour l’avortement sûr, légal et accessible, réclamons la fin à cette mascarade conservatrice discriminatoire !
Chaque élection fédérale nous fait réaliser que le droit à l’avortement n’est toujours pas acquis au Canada. À chaque fois, nous tolérons que le débat soit ouvert et devienne parfois un enjeu électoral.
Dès l’instant où la direction du Parti vert du Canada permet à ses candidats et candidates de rouvrir le débat sur le droit à l’avortement ;
Dès l’instant où un député conservateur d’arrière-ban dépose un projet de loi limitant l’accès sécuritaire à l’avortement ;
Dès l’instant où une province use de stratagèmes douteux pour en réduire l’accès ;
nous sommes témoins des politiques de divisions utilisées par les partis de droite pour diviser la population sur un enjeu moral.
L’avortement est un acte légal et décriminalisé au Canada, mais n’est toujours pas reconnu comme un droit fondamental par l’État. L’arrivée d’un gouvernement conservateur à la Chambre des communes pourrait faire basculer la situation très rapidement. Malgré les luttes massives des femmes et des hommes de la classe ouvrière durant les années 1970 et 80 pour légaliser l’avortement et le rendre accessible, nous devons nous préparer à nous battre pour défendre son statut actuel et gagner ce droit une bonne fois pour toutes.
Un outil de division politique
Brandir constamment la question du droit et de l’accès à l’avortement pour diviser les travailleurs et les travailleuses est un levier politique qui ne bénéficie qu’aux élites politiques conservatrices et religieuses. La première chose mise à mal dans ce soi-disant débat, c’est les droits fondamentaux des femmes. En refusant d’imposer que les systèmes publics de santé des provinces se chargent d’assurer un droit à l’avortement sûr et accessible, son accès dépend alors des intérêts du marché. Les cliniques privées prendront le relais et chargeront des frais que beaucoup de femmes ne pourront pas se permettre.
En attaquant l’accès à l’avortement, les politiciens et les politiciennes réactionnaires tentent de se faire du capital politique en brandissant le déclin des valeurs « familiales traditionnelles » ou l’effritement de la morale. Il faut comprendre ce qui se cache derrière cette morale et ces valeurs.
La société de marché capitaliste traditionnelle est basée sur le rôle central du père de famille pourvoyeur et celui de la femme au foyer. Dans ce contexte, il est essentiel que les hommes capitalistes contrôlent le corps des femmes pour s’assurer des héritiers légitimes et maintenir les femmes dans la sphère familiale, loin de la politique, des affaires ou même du travail productif. Ces rôles traditionnels sont revenus en force partout dans le monde avec la montée des gouvernements conservateurs et populistes de droite.
Recul aux États-Unis
Le récent décès de la juge Ruth Bader Ginsburg aux États-Unis fait craindre le pire pour le droit à l’avortement chez nos voisins du Sud. La nomination d’un ou d’une juge par le président Donald Trump n’augure rien de bon si on se fie à la controverse suscitée par celle de Brett Kavanaugh malgré les allégations de harcèlement sexuel auxquelles il faisait face. Au-delà des questions bien légitimes que peut soulever la nomination partisane à des postes qui ont une influence sur les lois, on constate que les droits des femmes et des personnes minorisées sont trop souvent mis aux enchères lors de campagnes électorales.
Cette crainte est alimentée par la croyance que nos droits et libertés sont le fruit de l’action des grands hommes et des grandes femmes de l’élite politique. Rien n’est plus faux. C’est de l’action collective de la classe ouvrière que découle l’obtention de tous nos droits et libertés fondamentales. Ce sont toutefois les opportunistes libéraux qui en récupèrent les mérites dans les livres d’histoire officielle.
Recul partout dans le monde
Les luttes récentes pour le droit à l’avortement (en Irlande, en Pologne, en Argentine, parmi tant d’autres) nous démontrent que nous n’avons pas le loisir de considérer les droits des femmes comme acquis. Les attaques fusent de toute part. Ce sont toujours les femmes de la classe ouvrière qui en font les frais. Les récits des femmes et des jeunes filles irlandaises de la classe ouvrière ayant dû faire le voyage vers l’Angleterre — souvent seules faute de moyen et en secret à cause de la stigmatisation sociale — en témoignent de façon criante.
Dans ses pires dérives, les lois anti-choix entraînent des situations délirantes. En Alabama une femme a été inculpée de meurtre après avoir reçu une balle dans le ventre alors qu’elle était enceinte. Bien que la poursuite ait été rapidement abandonnée, la police a jugé raisonnable de déposer cette accusation. Pensons aussi à ce sénateur états-unien qui prétend qu’un « viol légitime ne mène pas à une grossesse » justifiant ainsi de ne pas prévoir d’exemption dans les cas de viols.
Au Québec, l’accès à l’avortement est aussi de plus en plus difficile. Les coupures et les politiques d’austérité dans le système de santé entraînent des délais et un manque de service de plus en plus grands. C’est ce genre de situation qui incarne concrètement le sexisme systémique. De plus, la crise sanitaire menace l’accès à l’avortement partout au Canada selon différentes associations.
Les plus riches ne subissent toutefois pas ces contraintes. Avoir recours à une clinique privée payante ou de tout simplement quitter le pays ou la région est une réelle possibilité. Les jeunes femmes et celles qui travaillent n’ont pas toujours cette option.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime que 25 millions d’avortements à risques ont lieu chaque année, et ce, principalement dans les pays les plus pauvres. L’OMS estime que pratiquement tous les décès liés à des avortements dangereux pourraient être évités si on offrait des cours d’éducation sexuelle, un accès à des moyens de contraception efficaces ainsi qu’à l’avortement légal et sécuritaire. Les données de l’OMS indiquent sans équivoque qu’interdire l’avortement légal ne règle absolument aucun problème.
Ce dont nous avons besoin
La classe ouvrière a besoin d’accès à des services reproductifs gratuits et sans jugement. Cet accès doit devenir un droit, de la contraception à l’avortement. Il n’y a pas de « débat à rouvrir », de négociations à faire concernant les droits fondamentaux des femmes. Nous devons aussi nous assurer que toutes les femmes qui choisissent d’avoir un ou des enfants peuvent le faire sans danger, sans risque de s’appauvrir et avec les services de soutien nécessaire.
Le système d’éducation québécois doit fournir des cours d’éducation sexuelle exempts de jugement et faisant preuve d’ouverture. Les réalités de la diversité sexuelle doivent être abordées ainsi que les enjeux liés à la santé reproductive et sexuelle.
L’implication du plus grand nombre possible d’hommes et de femmes dans la gestion de la société se fait en leur garantissant un accès égal à toutes les sphères de la société. Les partis capitalistes, mêmes drapés des plus belles vertus, ne pourront jamais garantir une telle gestion démocratique tant que la production sera orientée vers le profit d’une élite.
Un droit à l’avortement gratuit et accessible ne pourra être garanti que par une société socialiste où les forces conservatrices n’ont plus leur mot à dire. Une société gérée démocratiquement par les travailleurs et travailleuses et dont les services, en particulier les services de santé, sont orientés vers les besoins de la population.
Alexandra L.
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